A la rencontre de Passion

    Ecrire puis revenir en arrière. Poser des mots pour les retirer. Ne plus savoir comment les former. Perdre peu à peu le lien entre les lettres. Comme si, même si un mot est formé, il n’est pas totalement mot dans son entièreté. Comme s’il perdait son sens et son essence change de chemin. Il n’est plus dans mes mains. Il prend son envol sans penser à demain. Il danse dans les airs sans revenir. Il oublie ses voisins. Il oublie son passé. Il ne se soucie pas de l’avenir. Il ne se lie pas d’amitié. Il se contente de s’évaporer dans l’immensité.

 

    Sans lui, la page redevient blanche. Ce blanc si troublant. Ce blanc qui fait peur. Peur de le gâcher avec des mots aux ailes brisées. Peur de l’abimer avec des lettres qui n’arrivent plus à danser. Peur que l’ensemble s’assemble dans une cacophonie silencieuse. Ils s’expriment. On ne les entend pas toujours. Certains après d’autres paraissent plus ternes. Il manque l’harmonie. Comme si le chef d’orchestre n’était absent. Allons le chercher. Essayons de le retrouver. Il ne devrait pas être loin. Je l’ai croisé il y a quelques mois. Il était là. Le sourire aux lèvres. Il était là à faire valser sa baguette. La passion dans ses yeux n’était pas une surprise et rien que le voir bouger quelque chose en sortait.

 

    Mais la bête noire est arrivée. La bête noire a tout ravagé. Subtile, elle a pointé les fautes notes des instruments. Tranchantes, elle a brisé la baguette. Elle s’est introduite dans le lieu du spectacle. Elle a tout fait s’effacer sur son passage. L’endroit est un lieu vide actuellement. Le morceau de bois fendu au centre de la scène. Les chaises sans propriétaire. La force noire garde le lieu. Premier à entrer se fait envelopper par cette noirceur trop réelle. Elle englobe tout. Elle ne laisse rien au hasard. Elle vise les points faibles. Bête féroce se nourrissant de larmes. Profitant des faiblesses. Elle a fait s’effondrer et se diviser le reste.

 

    Cependant un oiseau est toujours là. Il se balade sur l’épaule d’un enfant. Ils marchent ensemble. Ils voulaient voir le spectacle. Mais depuis plusieurs semaines, le lieu des mots est fermé faute de couleurs assez fortes. Une autre personne attend devant la porte. Un adulte d’un costard vêtu. Il réajuste sa cravate avant de tourner des talons. Les bras ballants. Une main rattrapée par l’enfant. L’oiseau parlant. L’idée venant. Ils ne pouvaient pas rester ainsi à attendre que la bête s’épuise. Il fallait agir. Alors qu’ils cherchaient comment aider, un petit animal jouant du ukulélé essaya de faire une note. Mais la corde céda. L’adulte le prit avec lui et le petit conta une histoire.

 

    Nos quatre amis s’avancèrent dans la forêt. Ils y trouvèrent un homme au costume abimé. Il semblait perdu. Il semblait bouleversé. Le chef d’orchestre passionné avec le regard grisé. L’enfant sorti alors ses feutres et donna des coups de couleurs sur la veste. Mais l’adulte l’arrêta. Retirant la sienne qu’il échangea contre la queue de pie abimée. Puis il laissa place au plus jeune qui s’amusa avec les notes. Il mit de la vie dans les couleurs. Il joua. L’homme fut surpris. Une attention soudaine. On cherchait à le soigner avec des sentiments. L’oiseau partit avec le petit animal musicien laissant les trois bipèdes. L’enfant entrainant l’adulte dans les coloriages. Le chef esquissa un sourire.

 

    Sourire qui s’élargie quand plusieurs animaux arrivèrent sur les lieux. Les instruments étaient abimés. Mais l’adulte entreprit de les réparer laissant l’art à l’enfance. Tout était loin d’être parfait. Des accessoires à rayures. Des tenus raccommodées. Mais de la motivation de nouveau dans les yeux. La passion commençait à remonter mais ce n’était plus à la petite voix, l’enfance et la responsabilité de jouer. Le chef ramassa une brindille en guise de baguette et guida sa troupe vers la scène.

 

    La bête les attendait. Ce ne fut pas à la première tentative qu’ils réussirent à entrer. Ni à la seconde et encore moins à la dixième. Il fallut du temps. Mais le meneur n’abandonnait pas. Au début il se figeait de peur se reprochant de ne pas être à la hauteur. Puis ses démons l’attrapèrent vers les méandres des idées noires. Ce fut alors aux tours des auto-reproches. Suivit du stress de ne plus réussir à orchestrer. Mais le voilà debout. Devant la bête. Il avait compris.

 

    Il ne devait plus lutter. Il devait l’accepter. Accepter cette note étrange sur la partition. Pas d’affrontement lors de cette tentative. Seulement une mélodie. Comme un drapeau blanc. Une douce musique contre les tourments. Une manière d’inviter l’autre dans la danse. Et, à petits pas, le groupe reprend sa place. La bête prend place dans le fond de la scène. Elle reviendra sur le devant un jour. En attendant, Passion a sa place. Il danse de nouveau. Un peu maladroit au début. Cela fait longtemps. Il n’a pas encore totalement reprit confiance. Mais avec le temps cela reviendra. Il sait qu’il pourra compter sur Enfance pour le relancer. Malgré ses allures très droites, Responsabilité l’aidera aussi à sa manière car sans l’orchestre, Stress règne en maitre et Petite Voix ne sait plus ce qu’elle dit. Une chose est sûre c’est que Espoir malgré sa petite taille et son instrument abimé n’est jamais loin pour rappeler qu’il ne faut pas l’oublier.

 

    Danse Passion

    Vis les notes

    Joue la vie

Les instruments

    Définir les instants. Une chose de compliquée. Définir les sentiments. Quelque chose d’encore plus. Parfois presque impossible. Les mots ne reflètent pas vraiment ce que le cœur veut dire. Ils ne sont pas assez forts. Ils le sont de trop. Ils n’ont pas l’infinité des nuances que le cœur peut apporter. Que le corps peut ressentir. Une émotion, un sentiment. Cela se vit. De l’intérieur. D’une intensité propre. Une vibration. On vibre pour les choses quand on aime et on aime quand on vibre. Ou plutôt Je. Parfois il suffit d’un rien. Parfois, une légère brise, et le feu s’embrase. Une petite mouche, et le chef d’orchestre loupe ses mouvements.

 

    J’ai longtemps cherché comment définir les choses. J’ai longtemps cherché les images à associer. J’ai longtemps cherché, mais je pense avoir trouvé. Laissez-moi vous guidez dans mes rêves, où les sentiments s’expriment et où dansent les mots. Laissez-moi vous raconter ce moment… Doucement. En quelques mots ou peut-être plus.

 

    Matinée en cours. Passion était parti se cacher. Il se montrait timide. Responsabilité lui gardait la tête haute. Figé et acceptant les conditions. Il était fort Responsabilité. Le seul adulte du petit groupe prenant la place du protecteur. Petite voix, elle, était dans un jour sans. Pas de chansons entrainantes. Juste des mots entendus, encore et encore, des mots comme des petites lames. Et au loin, assis contre son arbre, l’enfant avec Espoir dans ses bras. Il perdait petit à petit ses couleurs. Mais il essayait de toujours être là.

 

    La raison de tout cela? La bête noire. Elle était de nouveau là. Elle perturbait la musique de la vie. Les instruments se faisaient timides et maladroits. Certains un peu absents. D’autres neutres. Une harmonie peu douce.

 

    Elle tenait tête à l’adulte. Il tenait de protéger les autres. Mais d’un coup, elle grandit. L’enfant attrapa alors Passion par le bras. Ils allaient laisser l’espace d’un instant Responsabilité de côté. Dessin d’une voiture. Des petits bonhommes en bout de chemin. Un dessin ancien. On le connaissait bien. On l’avait mis de côté sur le tas des idées qui pouvaient faire mal. Mais, avant même que l’adulte ne s’oppose, la route se dessinait. Quelques remords. Beaucoup de doutes. Passion choisit la chanson. Innocence augmenta le son. Responsabilité se détendit alors. Que pouvait-il arriver?

 

    Quelques minutes avant la fin de la balade. Stress vient faire un petit coucou à la petite troupe. Il faillit amorcer le demi-tour. Fort heureusement, l’enfant était trop pris dans la chanson pour l’entendre. C’était lui qui menait la danse.

 

    D’un coup, le chef d’orchestre, Passion de son petit nom, vit des instruments arrivés. Des instruments qui chantaient fort. Leur mélodie englobait tout l’univers. Elle surprit. Il ne s’y attendait pas. Il pensait rêver et pourtant…

 

    Les instruments l’accompagnèrent tout le long. Ils étaient là. Partout. Ils étaient libres. Insouciants. Fragiles. Forts. Imprévisibles. Doux. Timides. Visibles. Ils jouaient. Ils s’harmonisaient. Sans aucune contrainte. Sans aucune crainte. Ils vivaient sur la partition de la vie. Ils vibraient ensemble dans une mélodie improvisée et imprévisible. Malgré leurs différences, malgré les changements de rythmes, malgré les fausses notes… Ils étaient là.

 

    Le chef d’orchestre décida alors de se joindre au groupe. Il reprit son apparence totem. Il joua avec les autres. D’abord timide. Puis plus enjoué. Mais le recul sur Responsabilité ne fut pas de durée infinie. Il se réveilla doucement. Il prenait petit à petit conscience. Impactant malgré lui le nouvel instrument. Puis le moment vint. L’instrument se brisa. L’enfant essaya les couleurs, mais elles ne brillaient plus assez. Responsabilité culpabilisait. Petite voix restait bloquée. Et les autres instruments eux…ils venaient l’aider. Ils remettaient de la couleur. Ils réparaient comme ils pouvaient. Des bisous magiques. Des câlins enchanteurs. L’instrument ne savait plus quoi faire. Il se laissa faire. L’enfant se surprit à s’exprimer vraiment sans que l’adulte le cache. Il se blottit dans les bras de certains.

 

    Et Petite voix? L’oiseau fut ignoré.

    Et Espoir? L’écureuil fut cajolé.

 

    Comme quoi parfois, il faut laisser les autres nous aider. Cela est compliqué. Très compliqué. Mais au détour d’une rencontre, une mélodie se forme. Les chansons s’enchainent. La partition défile et le temps file.

 

    Ce jour-là, j’ai vraiment ressenti les vibrations. Dans le sens où avant, je n’avais pas de mots sur les vibrations. J’ai entendu les mélodies. J’ai distingué les instruments. Comme une basse un peu rock qui s’harmonisait tandis que le mélodica valsait. Près d’eux la trompette résonnait tantôt en sautillant. Si vous aviez tendu l’oreille, un petit air de flute traversière vous aurait émerveillé pendant que le doux son du violoncelle vous berçait. Mais vous ne pouviez pas passer à côté du banjo souriant et du luth apaisant. Mais vous savez, on a tous des sons qui nous marquent un peu plus. Ce n’est pas vraiment du favoritisme. Cela est simplement un fait. Dans mon cas, un trio original. Une cornemuse multicolore qui pouvait disparaitre en un instant alors que l’harmonica lui était toujours un peu là. Et voilà… J’ai failli oublier le premier instrument arrivé et le dernier quitté. Celui qui a donné la première note : le sensible violon.

 

    Je ne sais comment dire les choses avec les mots qui décriraient vraiment ma pensée. Mais voici un aperçu de celle-ci. Les sentiments sont comme des musiques qui se composent à plusieurs. Ils vibrent. De mon côté, l’orchestre est hétérogène, pas toujours très harmonieux, parfois cela peut virer à la cacophonie, mais je vibre avec lui. Je vibre avec chaque instrument. D’une intensité différente certes, mais d’une intensité forte.

 

    Continuez de vibrer comme cela. Ces vibrations aident sans le savoir. La musique est guérisseuse. Elle guide les cœurs fragiles vers des sentiers plus sécurisés. Une chanson dans le casque, un pas plus rassuré. L’impression d’être protégé par les notes qui nous entourent.

Petite Plume (partie 3)

    Tu l’imagines un peu plus. Tu sens qu’un petit quelque chose est né. Ce rêve dernier ne t’a pas laissée indifférente. Tu te plais dans les images. Tu aimes raconter. Seulement deux et te voilà mordue. Déjà à l’école, tu étais la conteuse. Aujourd’hui te voici tisseuse.

 

    Le messager a un peu de retard. Tu espères que rien n’est arrivé à la jeune rêveuse. Tu ne sais pas qui elle est. Mais tu l’imagines jeune femme. Un pressentiment. Une intuition. Tu ne sais pas trop. Les anciens tisseurs n’ont pas pu le savoir. Tu n’as pas d’indices.

 

    En pensant aux indices, tu perds à tenter de deviner ceux du jour. Un nouveau casse-tête. Tu ne sais pas sur quel pied danser. Tu ne sais pas si cela a pu lui plaire. Et alors que tu commences à douter, arrive le messager, comme pour te signifier d’arrêter de t’auto dévaloriser.

 

    Une grande inspiration. Un jour tu t’y habitueras peut-être. Devant le grand livre, tu te tiens. Les mots se dessinent. Une photographie en noir et blanc. Le bruit de la pluie. Un cœur brisé. Et dans un coin, tu remarques que l’image de Max revient. La même image que la rêveuse avait dessiné dans son esprit la nuit passée. La même personne que tu avais évoquée. Tu ne sais pas vraiment comment le prendre. Ni quoi en faire. Tu te dis que peut-être, il y avait des éléments de la fois passée à reprendre…

 

Rêve troisième : « Une goutte d’encre »

Éléments : Photographie en noir et blanc, Bruit de la pluie, Un cœur brisé, Max

 

    Marcher. Toujours. Encore. Dans les rues. Dans les prés. Dans la ville. Dans les champs. Une forêt. De buildings ou d’arbres. De la vie, des animaux ou d’autres hommes. Cherchant sa voie, elle s’aventure et marche. Zigzagant dans le dédale de la vie. Cherchant une sortie, elle se perd et oubli. Parfois se rappelle, relève la tête et sourit. Une petite touche de gris

 

    Au-dessus d’elle toujours le même ciel gris. Une teinte sans pareil qui s’assombrit quand les jours se ternissent, quand la vie ne fait pas de cadeau. Une teinte s’éveille, tirant sur le plus clair dans les moments plus doux, ceux qui acceptent le repos. Un nuancier au-dessus, un nuancier dans les rues. Les diverses teintes se mêlent et s’enchaînent. Une certaine harmonie dans ce monde gris.

 

    Pas de noir. Pas de blanc. Pas d’extrême. Dans les nuances et dans les âmes. Rien de plus. Rien de moins. Un monde où on pense à chacun. Dans le gris une certaine égalité. Une certaine beauté ensorcelle. Elle enchante notre dame. Elle s’avance. Pas à pas. À coups d’idées et de rêves. Les pieds sur le trottoir gris, elle s’éloigne, part retrouver ses amis. Mais le ciel est gris.

 

    Au détour de la rue, un parc. Elle s’y aventure. Elle aime observer les oiseaux argentés. Dessiner des ronds dans l’eau plus pastel que le ciel. S’allonger dans l’herbe au gris vif comparé à celui de la terre plus neutre et sombre. Elle joue avec l’ombre. Se cachant tel un enfant. Des nuages foncés couvrant la voûte au-dessus de sa tête. L’innocence la prenant. Elle ne fait pas attention que sur le sol s’écrasent des gouttes de gris.

 

    Une à une. Elles tombent. Une à une. Elles touchent l’ombre. Une teinte plus sombre sur le parc. Un voile plus terne sur les âmes. Vivre un monde de gris, les humeurs au rythme de la vie. Une météo impactant plus que raison. Certaines saisons éclaircissant la nature. D’autres ternissant les peintures. Quand on se plait à imaginer un monde moins uniforme. Un peu de pluie nous rappelle que la vie n’est faite que de gris.

 

    Et pourtant, la dame sourit. Son âme claire brille dans sa lumière. Elle entrevoit le rayon de soleil. Oubliant ses amis l’espace d’un instant. Elle marche en souriant. Avançant vers ce point. Ce jet de lumière qui semble lui pointer un but. Un seul but. Elle accélère le pas. Peur que la lumière s’éteigne. Elle commence doucement à disparaître. Laissant place au sombre gris.

 

    Arrêt. Déception. Trop d’espoir. Tête baissée. Laisser la pluie tomber. Elle qui pensait que cela pouvait changer. Une simple lumière pour un rêve maintenant éteint. Elle traîne des pieds. Ne sachant où elle est. Elle se perd. S’oublie. Marche sans savoir où aller. Tout se ressemble. Tout lui semble identique. Les nuances se mêlent. Bienvenue dans le monde gris.

 

    Soudain sous ses yeux, une rose. Un gris sombre. Regard dans le regard opposé. Un individu au costume original. Elle ne l’a jamais rencontrée. Elle en est sûre. Elle n’arrive pas à le décrire. Quelque chose en lui semble irréel. Elle ne connait pas cette nuance. Elle hésite à prendre la grise fleur. La personne face à elle à ce quelque chose à elle se dégageant. Elle tend alors la main. Et soudain, la fleur prit la même teinte que le nœud papillon du costume. Mais quel est ce gris ?

 

    Elle ne comprend pas. Mais ne peut lâcher la fleur. La transformation s’opère. Elle s’émerveille devant une telle beauté. Une nouvelle teinte pour compléter le nuancier. Elle ne sait pas ce qui se passe. L’individu lui tend alors la main. Elle n’hésite pas. Elle veut en savoir plus. Elle l’attrape. Il l’entraîne à sa suite. Courant un peu puis se retournant. Levant les bras. Lui montrant la rue aux teintes modifiées. Lui murmurant un simple mot à l’oreille. Couleurs.

 

    Couleurs. Elle le répète. Sans savoir ce qu’elle dit. La personne qui n’est autre que Max lui apprend alors. Elle lui montre. Et ensemble, ces personnes s’amusent à recolorer le monde à l’aide de pinceaux imaginaires. Notre dame redécouvre la vie. Se demande si cela existait depuis tout ce temps. Pourquoi elle ne l’avait pas vu avant ? Devant elle dansent les couleurs.

 

    Elle rit. Le monde se colore. Du rouge. De l’oranger. Du pourpre. Des couleurs chaudes. Du bleu. Du vert. Du mauve. Des couleurs froides. Celles de la nature. Celles de la ville. Celles tristes et celles qui donnent envie de sourire. Certaines aimées d’autres moins. Des mélanges infinis. Une ronde. Autour d’elle, change le monde. Il s’anime. La vie par les couleurs.

 

    Elle a encore tant de choses à apprendre. Tant de choses à voir. Un nouveau rêve se dessine loin du gris. Il joue avec les couleurs. Ce nouveau mot regroupant tellement de possibilités. Dans un monde où il n’y avait qu’un seul nuancier. Maintenant, elle le voit dans son entièreté. Elle marche sans se perdre. Chacun est unique sans tout ce gris qui les rend si semblables. Elle qui se cachait dans son gris. Elle vit aujourd’hui dans la couleur.

 

    Elle tourne sur elle-même. Perdue dans ses pensées. Rattrapée de justesse par le messager coloré. Celui qui lui a montré. Celui qui a fait valser le filtre gris de son âme. Elle le voit lever les yeux vers le ciel. Elle fait de même. Et, au-dessus de leurs têtes, les nuages s’écartent. Ils laissent place à une illusion de la nature. Un brin de poésie. Un soupçon de magie. Car dans le ciel. S’élève un arc-en-ciel. 

 

Réveil.

 

Petite Plume (partie 2)

    Tu hésites. Tu n’es pas rassurée. Tu ne sais pas si cela s’est vraiment bien passé hier. Tu doutes de toi. Tu as envie de reculer. Tu ne te sens pas prête. Et pourtant il te faut bientôt y aller. Tu n’as plus le temps de penser à reculer. Tu t’avances alors. Tu tentes de te convaincre que tu peux le faire. Ce n’est que ton deuxième vrai rêve. Tu peux le faire.

 

    Un messager arrive. L’heure a sonné. La main sur la poignée de la porte de la salle des livres, tu hésites de nouveau. Mais tu ne peux pas laisser cette personne sans rêve. Tu la connais à peine mais malgré cela tu te sens proche d’elle. Tu ne connais pas son âge mais tu l’imagines proche du tien. Tu ne sais même pas son nom. Tu espères que ce rêve te révélera de nouvelles choses.

 

    Page tournée. Une musique s’en échappe. Toi qui étudies les humains depuis un temps, tu t’en souviens. Tu te laisses bercer l’espace d’un temps. Tu t’inspires. Mais par-dessus de la musique, des moqueries se font entendre comme émanant de derrière la guitare dessinée. Tu as une idée. Un style différent. Une inspiration. Tu te lances.

 

Rêve second : « Tu n’es pas seule »

Éléments : Guitare, Une chanson, Moqueries

 

    Grande pièce sombre. Une lumière. Tu es en dessous. Elle t’éclaire et en même temps assombrit tout autour de toi. Cône lumineux suivant tes déplacements. Le silence majoritairement présent. Tu tournes, tu vires. Sans savoir où aller. Sans savoir où tu es. Tu as l’impression que cette pièce est sans fin. Quand soudain…

 

    Une note. Puis une autre. Elles se suivent. Tu en cherches l’origine. Tu connais cette mélodie. Elle t’inspire. Tu sens que tes pas se calent sur la partition. Comme si tu marchais dessus. Comme si chaque pas que tu fais sur le sol modifiait le son. Tu crées ta chanson. Elle se forme petit à petit. Instrument après instrument. Le rythme s’intensifie doucement.

 

    Mouvement. Envie de bouger. Musique de fond. Tu ne sais pas ce que tu fais. Ton corps se meut de lui-même. Comme transporter. Tu n’as plus la maîtrise sur ton propre corps. Tes pas s’enchaînent au rythme des notes. Tu oublies le monde qui t’entoure. Tu oublies tout. Tu es libre. Libre d’être toi et de t’exprimer. Seule sous ta lumière.

 

    Ta tenue change au fur et à mesure que tu te détends. De couleurs, tu t’habilles. Des motifs apparaissant et disparaissant timidement. Comme si tes vêtements jouaient avec la musique. Cela te donne envie de faire de même. Te laisser transporter par les notes. Tu fermes alors les yeux, te laissant aller. Lâchant prise, totalement.

 

    Tu danses maintenant de toi-même sans y penser. Tes membres t’appartiennent de nouveau mais tu ne t’en rends pas compte. Tu bouges. Tu profites de cet instant hors du temps. Te demandant seulement quand le rêve s’arrêtera. Tu n’as pas envie qu’il s’arrête. Tu voudrais rester dans cette bulle de bonheur. Encore quelques instants, quelques minutes, juste une seconde.

 

    Toi qui te sentais seule avec ta musique tu ne l’es plus. Elle t’accompagne et te guide. Elle est là. Tu l’imagines près de toi. Comme personnalisé. Tu ne sais pas à quoi elle pourrait ressembler. Tu te dis qu’elle danserait sûrement sans regarder les autres. Juste pour le plaisir. Juste pour profiter de l’instant et d’un moment de complicité. Tu ouvres alors les yeux.

 

    Les notes autour de toi. Tu peux les voir. Elles sont là, présentes, dansant dans les airs. Des rondes et des blanches. Des noires et des croches. Le son augmente comme t’entourant de plus en plus. Comme ces notes qui bougent en rythme. Elles se rassemblent et s’assemblent. Elles s’unissent et tourbillonnent encore et encore. Un flash, elles s’écartent.

 

    Une figure. Une silhouette. Homme ou femme. Tu ne sais pas. Tu ne le devines pas. Tu ne veux pas te poser la question. Appelons-la, Max, prénom mixte. Un M comme musique, ce prénom te plait bien. Il sonne bien. Max portant des habits en accord avec la musique. Guitares se mêlant aux partitions en motif sur sa chemise. Tu lui souris.

 

    La chanson se termine. Une nouvelle reprend le relais. Max tu attrapes alors la main. Tu ne sais pas danser, tu hésites. Son sourire t’empêchant de refuser. Tu acceptes. Tu te dis qu’il n’est jamais trop tard pour apprendre. Alors, tu lui laisses une chanson d’essai. Mais tu ne sais pas guider, tu ne sais pas si Max le sait. Tes questions informulées trouvant rapidement une réponse quand l’individu t’attrape la main et te fait tourner.

 

    Tes chaussures s’illuminent. Tu sembles connaitre les pas de toi-même. Un vague souvenir. Un tour dans un sens puis dans un autre. Un top-là et un nouveau tour. Des bras qui se nouent. Un pas sur le côté. Tes pieds ont attrapé le rythme. Tu n’as plus qu’à profiter. Doucement tu te prends au jeu. Tu enchaînes les passes guidées par la Musique.

 

    Tu te surprends à aimer danser, toi pour qui la danse semblait inatteignable. Deux pieds gauches, un sens approximatif du rythme et te voici dans les bras de Max. Tu es guidée. Tu manques parfois de tomber, de justesse rattrapée. Tu ne veux plus que la musique s’arrête. Tu ne penses plus à tes problèmes seuls l’amusement compte. Tu souris. Tu prends du plaisir. Tu t’éclates. Tu t’es plus seule.

 

    Vous êtes deux. Deux personnes perdues à danser sous les feux des projecteurs sans savoir où vous mèneront cette danse. Mais personne n’y pense. L’important étant l’instant. Savoir si face à toi une femme, ou un homme, le genre importait peu. Pour toi c’était Max tout simplement. Max à la chemise musicale. Tu as l’impression de l’avoir déjà vu. Sûrement un hasard.

 

    Tes réflexions coupées par le son qui diminue petit à petit. Ton sourire fane alors que tu bascules dans un penché. Intérieurement tu te demandes si c’était ta dernière danse tu n’as pas envie de retourner à tes pensées que tu veux simplement oublier en bougeant de nouveau dans les bras de ton meneur.

 

    Reprise rock’n’roll plus rapide que la précédente comme un air de défi. Un sourire malicieux sur les lèvres de Max qui te redresse. Ton sourire suit le mouvement. Un petit tour sur toi-même. Changement de tenue. Une chemise assortie. Tu rigoles alors que la danse reprend.

 

    Tu joues. Vous jouez. Deux enfants jouant sur scène. Tu retiens un nouveau rire lorsque la main de Max loupe la tienne t’obligeant à trouver une petite pirouette pour revenir dans la danse. Tu es surprise par toi-même pas autant que la figure qui tourne à son tour. Tu la guides l’espace d’un refrain. Une drôle de sensation. Mais cela te plait d’échanger les rôles un temps. Tout semble si naturel pour toi. Tu as trouvé ton élément. Un moyen de te détendre de ne penser à rien et juste d’être toi.

 

    De la bonne musique. De la bonne humeur. Pas de jugement. Des sourires. Une petite bulle de bonheur. La chanson arrive bientôt à sa fin. Vous accélérez en rythme. Vous tentez des choses un peu plus acrobatiques. Vous jouez avec l’espace. La scène vous appartient. Jusqu’à la dernière minute. Le dernier refrain.

 

    La lumière change. Plus lumineuse. S’accordant à ton humeur. Tu souris de plus belle. Tu es un peu fatiguée mais tu ne lâches rien. Tu as envie d’aller jusqu’au bout. Tu sais que tu n’arriveras pas à enchainer une autre danse mais tu ne veux pas t’arrêter maintenant. Alors, allons-y jusqu’au bout. Jusqu’à la dernière seconde.

 

    Max semble être d’accord avec toi. Son regard toujours aussi pétillant alors que son corps semble lui dire stop. Mais il reste encore quelques secondes. Vous profitez jusqu’au bout. Tu sens la fin arriver. Tu ne penses pas que vous aurez le temps nécessaire pour le penché final. Et pourtant. La figure avait plus d’un tour dans son chapeau qui venait d’apparaître sur sa tête. Une fin improvisée dans les bras de Max. Un sourire.

 

    Fin de la musique. Lumière éclairant le reste de la pièce. Public debout. Applaudissant. Tu te sens gênée et en même temps fière. Tu peux l’être. Une ovation. Un final magique. Max te met son chapeau après t’avoir reposé sur le sol. Tu fais une petite révérence avant de sauter dans les bras de la silhouette.

 

    Tandis que le rideau se ferme, la musique reprend. Vous êtes fatigués mais une simple danse cela ne peut pas se refuser. Le public put alors vous voir reprendre. Deux personnes à bout de souffle. Corps portés par la musique. Pieds guidés par les notes. Rien ne semble pouvoir les arrêter. Certains les imaginant danser encore et encore même une fois le tissu rouge refermé.

 

Réveil.

 

 

 

Petite Plume (partie 1)

    Petite plume, tu ne sais pas encore ce qui t’attend aujourd’hui. Nouveau rêve à tisser. Ta rêveuse s’apprête à s’endormir. Tu observes autour de toi. Tu sais que c’est bientôt ton tour. Tu guettes l’arrivée du lien. Soudain la plume messagère t’avertit que ton livre était ouvert. La remerciant avant de courir. Te précipiter pour voir les détails.

 

    Ouverture du livre. Simple livre. Des pages arrachées sûrement celles de l’ancien tisseur. A la suite, tu remarques un nouveau chapitre sans titre. Tu regardes la page. « Résumé de la journée » Seulement trois petits mots de notés. « aiguille, aigle, surprise ». Tu étais surprise. Jamais à l’école l’on t’avait appris à tisser un rêve avec si peu de mot.

 

    Tremblotante, tu hésitais. Ta première rêveuse. Ton premier vrai rêve à tisser. Tu n’étais plus étudiante, tu étais une tisseuse maintenant. Tu pouvais le faire. Et si tu n’y arriverais pas alors tu testeras un nouveau style. Tu pris alors une inspiration. Et commenças ton récit au livre magique. Regardant tes mots devenir réalité.

 

Rêve premier : Comme à l’école, un rêve en « elle »

Éléments : Aiguille, Aigle, Surprise

 

    Elle se réveilla, émergeant doucement à la sonnerie de son réveil qu’elle coupa d’une main posée sur le bouton. La journée s’annonçait mouvementée à la vue des diverses notes sur le mur près de son bureau. La jeune fille prit un peu de temps avant de se décider à sortir de son lit et de se diriger vers la salle de bain.

 

    Rapidement, elle se doucha et se changea. Prête pour les cours, elle fit un rapide détour par la cuisine. L’odeur des pancakes chauds avait envahi la pièce. Sa colocataire était un vrai cordon bleu et ses délices sucrés, elle ne les troquerait pour rien au monde. Un peu de coulis de fraises faute de trouver le sirop d’érable.

 

    Le troisième mousquetaire était déjà passé par là finissant le pot et les laissant en plan. Inès toujours aux fourneaux n’ayant point cours faisant remarquer à son amie que les siens allait commencer. L’héroïne s’empressa alors de finir son plat après un coup d’œil à l’horloge qui trônait dans un coin de la pièce.

 

    Au moment où elle allait pour sortir, le gentleman avait pensé à tout. Il portait le sac et la veste de son amie dans les bras ainsi qu’un sourire aux lèvres. Luc aimait rendre service surtout à ses deux amies. Ils formaient tous les trois un trio inséparable en collocation dans un appartement des plus spacieux à quelques stations de l’école.

 

    Une école, ou plutôt un manoir qui siégeait au cœur de la ville. La jeune femme ne s’attarda pas devant la magnifique façade et file suivre sa leçon sur les animaux. Un cours passionnant qui l’occupa plusieurs heures puis un nouveau sur le dessin et enfin son préféré : le cours de théâtre. La journée passa rapidement. Ou du moins simplement les cours.

 

    En milieu d’après-midi, elle retrouva son groupe d’étude dans le parc du manoir-école. Mélody, une jeune fille passionnée par les koalas et qui arborait fièrement sa nouvelle trouvaille : un sweat avec des oreilles de son animal totem. À ses côtés, un jeune tout timide du nom d’Oliver le président de l’association artistique, mais préférait rester dans les coulisses.

 

    L’héroïne commença alors à discuter avec eux tout en tapotant sur son ordinateur. Elle prenait des notes pour le concours de débats auquel ils participaient ensemble. Ils avaient toutes leurs chances encore fallait-il qu’ils se mettent d’accord sur les arguments à utiliser. Mais cela n’était pas forcément gagner, deux des trois aimaient défendre leur avis même simplement pour la forme ce qui faisait beaucoup rire le scribe du jour.

 

    Soudain, elle sentit un grand coup de fraîcheur dans son dos ainsi que son haut se coller doucement à sa peau. Elle se leva en sursaut oubliant l’ordinateur se tournant vers l’agresseur. Ou plutôt les agresseurs, le copain d’Oliver et la sœur de Mélody, pistolets à eau pour l’un et bombes à eau pour l’autre. Ils les attaquaient en rigolant.

 

    Un bon moment à jouer mais quelques instants plus tard il fallait retourner au débat. Océane fit un geste de la main. Habits, cours et ordinateurs étaient maintenant secs. La jeune femme confirma par la suite sa présence le soir. Héroïne souriante, sa petite soirée improvisée comptait que très peu d’absents ce qui était assez rare.

 

    Le soleil tomba doucement et nos amoureux de débats ne firent pas attention au temps qui passait. Ils ne se rendirent pas compte que l’heure fatidique arrivait. Elle se rapprochait à grands pas et Oliver qui venait de regarder sa montre sentit le stress monter petit à petit en lui. Il était le premier des trois à passer. Le courageux du petit groupe.

 

    Quand Luc pointa le bout de son nez, l’heure était venue. Il accompagna le petit groupe jusqu’au grand appartement. Les trois amis tremblants légèrement devant un Luc qui se moquait un peu. Mais il les comprenait, un grand pas allait être franchi bientôt. Il préparait cela depuis des jours. Sa meilleure amie n’en était pas à son premier pas, mais cela le faisait sourire de la voir dans cet état à chaque fois.

 

    Ils entrèrent alors dans l’appartement. La cuisine était alors métamorphosée en salon de tatouage. Au centre de la pièce, un homme d’une trentaine d’années accompagnée de sa femme finissait de préparer les aiguilles et les dessins. Oliver était tendu, mais pas autant que l’amie des Koalas. Il hésitait un peu.

 

    Puis prenant son courage en main, il s’avança et s’assit sur la table matelassée. La femme positionna alors le dessin, une magnifique double face composée d’un lapin et d’une grenouille. Puis le bruit de la machine retentit. L’héroïne rejoignit alors ses amis dans le salon. Laissant Oliver se faire tatouer par deux aiguilles.

 

    Des discussions et des débats, voilà ce qui rythmait la soirée avant que la voix timide d’un artiste retentisse. Première à franchir la porte, elle découvrit avec beaucoup de surprise qu’un autre dessin trônait près du premier. Un hérisson ailé tel un aigle volant dans les cieux comme celui qu’elle avait dans le dos. Elle sourit en même temps que sa réflexion. La jeune femme détailla les deux tatouages de son ami.

 

    Pendant ce temps-là, Koala venait de se faire poser son motif. Mais elle ne voulait pas que quelqu’un le voie avant la fin. Alors de retour dans le salon, l’impatience commençait à monter. Personne ne savait ce qu’elle allait se faire même pas sa sœur qui venait d’arriver. Elle avait pourtant tenté d’en savoir plus, sans succès. Le secret était bien gardé.

 

    Appel du Koala, sans attendre une seconde tout le monde se précipita. Sauf Oliver qui restait dans les bras de son copain qui lui s’amusait à le questionner sur le pourquoi du comment du dessin ailé. Des questions auxquels le petit timide ne répondait qu’à moitié préférant le laisser mijoter encore un petit peu.

 

    Elle ne fut pas la première à voir le dessin. Mais elle fut étonnée de ce dernier qu’à moitié. Sur la cheville de son amie, une tête de koala à lunettes. Un style cartoonesque. Tout autour un cadre de jeu vidéo et de nouveau des ailes, celles d’un aigle. Elle sourit encore à la référence. La soirée était pleine de surprise, mais venait seulement de commencer.

 

    À son tour maintenant de se faire tatouer. Le motif déposé sur le poignet, des gestes minutieux. Les deux artistes absorbés dans leur travail. Elle n’en était pas à son premier, mais celui-là était spécial. Une sorte d’artefact. Un symbole protecteur qu’elle dessinait depuis petite sur son poignet. Maintenant il n’allait plus partir, il ne l’abandonnerait plus.

 

    La douleur était là combinée aux bruits et à la sensation des aiguilles entrante et sortante de la peau. Elle serrait les dents. Elle ne voulait pas regarder tout de suite. La jeune femme attendait que les artistes lui donnent leur accord. Elle avait tellement hâte. Elle n’avait plus peur.

 

    Soudain, l’arrêt du bruit. L’arrêt du picotement. Douleur toujours présente elle le restera un moment. L’homme nettoyait doucement la peau encrée. Puis il l’autorisa à regarder le tatouage enfin terminé. Elle porta doucement son poignet à hauteur de ses yeux…

 

Réveil

 

 

 

 

 

 

Joie et la Bibliothèque (2/2)

    Morgane vient de partir. Il me reste à me préparer. Mais avant finissons ce gâteau. Il manque encore quelques petites décorations ici… Parfait. J’espère que cela plaira aux nouveaux. J’ai hâte d’y être. C’est un grand événement quand de jeunes personnages font leur apparition. Avec la multitude de bibliothèques, ce n’est plus si souvent de voir arriver des personnes par notre portail.

 

    L’Histoire des histoires nous a appris qu’à l’origine, il n’y avait qu’un seul point de passage entre l’esprit des auteurs et notre monde. C’est ainsi qu’est née la Bibliothèque, la première ville dont les habitants étaient des marionnettes sans marionnettistes. Mais au fur et à mesure, elle est devenue trop petite. Les chercheurs ont appris à faire de nouveaux portails. Et finalement, certains sont partis construire une nouvelle bibliothèque puis une autre et encore une. Aujourd’hui, les portes entre les mondes sont reliées par un quelque chose de mystérieux qui envoie les êtres qui les traversent pour la première fois vers la Bibliothèque qui leur correspondra le mieux. Comme si elles savaient lire dans les pensées et dans l’avenir. Une drôle de magie ou plutôt technologie comme diraient les chercheurs. Mais avec la multiplication des villes et des portails, l’arrivée de nouvelles têtes se faisait plus rare. C’est pourquoi chez nous, nous organisons une grande fête…

 

    D’ailleurs en parlant de fête, quelle heure est-il ? Il me reste peu de temps pour me préparer si je veux arriver en avance avec le gâteau. Vite, direction la chambre.

 

    Je lance sur une chaise mon tablier et commence à retirer ma chemise couverte de farine en me dirigeant vers ma chambre. Je fouille dans mon placard à la recherche de quelque chose à me mettre. Non, pas cette robe. Il fait trop chaud pour ce pull. Non, mauvais thème… Je crois que j’ai trouvé… Je me dépêche d’enfiler mon chemisier avec un autre jean. Puis un rapide coup d’œil dans le miroir pour replacer ces cheveux indisciplinés sans succès. Ce n’est pas bien grave.

 

    J’attrape mes clefs et le gâteau avant de quitter la petite maison-livre. Direction la grande salle. Je marchais d’un pas pressé en faisant attention de ne pas renverser le dessert dans mes bras. Il est sous une cloche un peu trop grande qui me cache un peu la vue. Heureusement que je sais où je dois aller. Plus que deux virages et je suis arrivée…

 

    Mais quelques notes attirent mon attention. Un quelque chose d’un peu inhabituel. Je m’arrête un instant. Ai-je le temps de faire un petit détour ? Je n’ai pas pensé à prendre ma montre. Je dois bien avoir quelques minutes d’avance et si…

 

    – Non Joyce tu dois rester concentrée…

 

    Petite voix à peu audible. De moi pour moi-même. Mais il est trop tard. Bien décidée à connaitre l’origine de la musique, je la suis au travers de ce dédale de rues. Un labyrinthe fait de livres. Une Bibliothèque où il est si simple de se perdre sans fil d’Ariane. Le mien est musical. Je sais où aller. Je marche sur les notes qui sont de plus en plus distinctes. Elles vibrent dans une douce harmonie et une voix vient timidement s’ajouter à la mélodie. Un magnifique duo. Instrument et voix.

 

    Je ne dois plus être très loin. Soudain, le titre d’une maison attire mon attention, « Max & Max ». Je ne me souvenais pas qu’il y avait des jumeaux par ici. Étrange. À moins que cela ne soit deux amis. Mais à voir les deux ombres qui entourent la porte, je penche plutôt sur l’hypothèse des jumeaux. D’ailleurs, j’aime beaucoup la couverture du lieu. C’est fou ce qu’on peut faire avec un peu d’imagination. Cela me donne presque envie d’aller toquer à leur p…

 

    L’horloge. La grande horloge sonne. Mince la fête, je vais être en retard ou plutôt… je suis en retard. Je commence alors à rebrousser chemin en courant. Je tente de me souvenir du titre des livres croisés sur le chemin et des noms des allées. Je ne fais pas trop attention. Bousculant sans le faire exprès une dame. Manquant de tomber plus d’une fois. Demandant quelquefois mon chemin pour être sûre de ne pas arriver beaucoup trop tard. Pourquoi avais-je fait ce détour déjà ? Ah oui la musique. D’ailleurs, je ne l’entendais plus. Cela me rend un peu triste. Et si elle n’était que l’objet de mon imagination ? Non, j’ai bien entendu cette mélodie.

 

    Mélodie qui revient. Le son se rapproche alors que je me rapproche de mon but. La même chanson. La même douce voix. Je franchis le seuil de la grande salle. Dans le fond, sur la scène, les deux nouveaux sont là. Ils jouent. L’un au violon, le second à la guitare proche du micro. Un drôle de duo très doux. J’en oublie presque le gâteau dans mes bras qu’on me retire alors que mon esprit se perdait dans les notes de musique.

 

    Un instant, revenir sur Terre. Morgane soulève la cloche et râle un peu au loin. Oui, j’ai du retard. Mais, je n’entends pas de voix. Je me laisse, juste, facilement distraire. Cependant, qui ne laisserait pas son esprit se perdre un peu de temps en temps. Qui ne profiterait pas d’un peu d’avance pour faire un détour simplement pour le plaisir d’entendre quelques notes de plus d’une mélodie qui se perd dans les rues d’une grande ville ?

 

 

 

 

     

 

 

 

 

 

 

 

 

Joie et la Bibliothèque (1/2)

    Ajouter quelques décorations, peut-être un peu plus de sucre glace…Mince maintenant il y en a trop d’un côté, tant pis j’en remets encore un peu. Oh et si je mettais les étoiles que m’a donné Clara, c’est joli les étoiles. Cela fait l’effet de paillettes, je me demande bien ce qu’elle avait pu mettre dessus pour avoir ce reflet si unique dans lequel je me perds beaucoup trop facilement. C’est normal qu’un gâteau puisse avoir cet effet miroir? Personne n’osera le manger, il est trop beau, enfin surtout les décorations qui sont dessus. J’en ai peut-être mis beaucoup d’ailleurs, je devrais m’arrêter avant que cela ne soit trop chargé. J’espère que cela plaira au petit nouveau. Et à la nouvelle aussi. C’est vraiment chouette cela fait longtemps que…

 

    Attendez…

 

    Depuis quand êtes-vous ici à m’écouter? C’est pas très poli d’espionner les gens sans prévenir surtout quand ils font un super gâteau surprise de bienvenu. Pourquoi de bienvenu? Figurez-vous qu’hier deux nouveaux ont franchi le portail. Ils étaient tous déboussolés. Au début, ils avaient vraiment du mal à parler et agir normalement.

 

    Je me souviens quand je suis arrivée cela a été un gros choc. Imaginez-vous vivre une aventure fantastique dans un univers unique et d’un coup d’un seul, vous vous retrouvez devant des tonnes de livres face à deux chevaliers de la table ronde qui gardent le portail. C’est un peu perturbant mais c’est comme cela que les arrivées dans la Bibliothèque se déroulent. Au début, c’est difficile de savoir qui on est et pourquoi on se retrouve ici. Puis, avec le temps, on se détache du personnage que nous incarnons pour être nous.

 

    Je vois votre air un peu perdu…Je suis peut-être allée trop vite. Cela doit être la première fois que quelqu’un vous parle de la Bibliothèque. A vous voir, j’ai l’impression de me retrouver face aux nouveaux d’hier quand j’ai dû leur expliquer l’histoire de la ville. D’ailleurs en y repensant c’est assez drôle de parler d’histoire et pas des histoires pour parler de la ville. Je m’explique…

 

    Nous vivons dans ce qu’on appelle, la Bibliothèque, c’est une grande ville composée de livres qui varie en fonction de l’imagination des auteurs qui se perdent un peu trop et qui atterrissent chez nous par mégarde. Ce lieu n’est pas uniquement réservé aux personnages, nous avons de temps en temps des enfants de passage dont les rêves les guident jusqu’ici le temps d’une nuit puis ils repartent à leurs vies. J’adore les enfants, ils ont une vision si belle du monde qui nous entoure. Ils le voient au travers de yeux tellement innocents et avec leurs mots et leur vision ils peuvent tout rendre si incroyable. J’aime me plaire à me dire que je resterai toujours une enfant. Je n’ai pas vraiment envie de grandir. Je suis un peu comme mon voisin dont j’oublie souvent le prénom mais vous devez le connaitre. Il a un chapeau vert et il n’arrête pas de parler de poussière de fée et de la deuxième étoile. Je me perds encore, je suis désolée… Où j’en étais déjà? Ah oui…

 

    La Bibliothèque accueille les personnages des divers récits. Lorsque vous écrivez une histoire en tant qu’auteur, vos personnages ont beaucoup de chances d’atterrir ici ou dans une autre Bibliothèque voisine. Comme si la vie que vous connaissez des personnages de fiction n’était que fiction et qu’ici ils pouvaient commencer une vie dont la fin n’est pas définie par une plume. Parfois il est compliqué quand l’on vient d’arriver de se faire entendre dire que la vie que l’on a eu n’est pas vraiment une vie mais est seulement une histoire. Il y a souvent des débats au sein de la ville sur le sujet. Est-ce que l’on doit prendre compte de notre vie d’avant ou non? Est-ce que lorsqu’on rejoint l’auteur pour un nouveau tome, une nouvelle aventure, est ce notre histoire ou juste une sorte de travail que l’on fait? Tant de questions et tout autant de réponses, vous devriez aller voir nos philosophes ils sont plus calés que moi dans ce domaine.

 

    – Joyce, dépêche-toi on a besoin de ton aide pour finir les préparatifs

    – J’arrive Morgane…

 

    Je suis vraiment désolée cher lecteur mais le devoir m’appelle. On doit finir de préparer la surprise pour les nouveaux, c’est important de bien les accueillir, c’est un peu comme s’ils faisaient partie de la famille. Peut-être à une autre fois, quelque chose me dit que nous allons bientôt nous recroiser à nouveau.

 

 

 

     

 

 

 

 

 

 

 

 

Jour 8 : Frêle

    Tu écoutes. Tu entends. Tu pleures. Tu ne sais comment réagir. Tu te renfermes. Tu te recrovilles sur toi-même. Tu tentes de calmer l’esprit. Mais les images défilent en son cœur. Les souvenirs tournent. Les mots retournent. Une scène se distingue. Un personnage mis en avant. Tu fermes les yeux pour mieux l’observer. Te concentrer sur lui quelques instants…

 

    Petit écureuil. Un simple petit mammifère rouquin. Il est allongé. Près de lui un instrument de musique. Un petit ukulélé. Ses cordes sont brisées. Il est bien abîmé. Tout comme le petit. Il a sûrement dû tomber. Il ne se réveille pas.

 

    Un enfant s’approche. Il est avec un adulte. Innocence prend l’animal dans les bras. Responsabilité lui récupère l’objet. Ils semblent paniqués. Ils courent. Comme s’il ne fallait pas perdre de temps. Comme si l’écureuil était essentiel à l’équilibre.

 

    Autour d’eux, les ombres gagnent du terrain. Elles grappillent tout sur leur passage. Elles attrapent toutes les personnes sur leur chemin. Elles grisent le monde coloré. Elles veulent, comme s’approcher du petit être assommé.

 

    La course se termine dans une petite maison isolée. Dans celle-ci, une jeune femme au beau chapeau au regard inquiet. Des petites fées, elles, volent dans tous les sens. Et un homme à la redingote reconnaissable reste dans son coin, comme tétanisé et perdu à la fois.

 

    Les fées aident Responsabilité à réparer l’instrument. Ils font de leur mieux. Même Passion, met la main à la patte en tentant de trembler un peu moins. Un doux mélange d’Émotions et de Passion, combinés avec un peu de Responsabilités. Le tout permettant de réparer le petit objet à corde non sans mal.

 

    De l’autre côté, la jeune femme et Innocence essayent de soigner le petit écureuil. Elle pose son chapeau sur la table pour que l’Amour berce le petit être. Innocence à son chevet et Sensibilité au-dessus de lui. Ils font leur maximum pour aider le petit à retrouver le chemin du réveil.

 

    Les ombres se rapprochent de la maison. Elles gagnent la porte. Elles l’englobent. Un œil ouvert. Elles s’avancent et attrapent une des fées. Un second œil. Elles ne s’arrêtent pas. Elles piègent les deux hommes. Un mouvement. Un son. Une lumière.

 

    Le petit s’est réveillé. Le petit vient de sauter sur son instrument. Le petit vient de jouer une note. Difficilement. Mais il vient de le faire. Il joue pour écarter les ombres. Il joue pour remettre de la lumière. Il joue pour colorer le monde. Et bientôt, quand il sera remis il jouera du haut de son arbre.

 

    Qu’obtient-on quand on mélange de l’amour, de la sensibilité et de l’innocence ? Un doux mélange permettant de réveiller l’Espoir qu’on pensait endormi.

 

    Tu relèves la tête. Les larmes toujours présentes. Mais tu souris à cette pensée. Même si l’écureuil est fragile tout comme son instrument, la musique de l’Espoir retentira toujours même si elle se fait plus faible parfois.