Petite Plume (partie 2)

    Tu hésites. Tu n’es pas rassurée. Tu ne sais pas si cela s’est vraiment bien passé hier. Tu doutes de toi. Tu as envie de reculer. Tu ne te sens pas prête. Et pourtant il te faut bientôt y aller. Tu n’as plus le temps de penser à reculer. Tu t’avances alors. Tu tentes de te convaincre que tu peux le faire. Ce n’est que ton deuxième vrai rêve. Tu peux le faire.

 

    Un messager arrive. L’heure a sonné. La main sur la poignée de la porte de la salle des livres, tu hésites de nouveau. Mais tu ne peux pas laisser cette personne sans rêve. Tu la connais à peine mais malgré cela tu te sens proche d’elle. Tu ne connais pas son âge mais tu l’imagines proche du tien. Tu ne sais même pas son nom. Tu espères que ce rêve te révélera de nouvelles choses.

 

    Page tournée. Une musique s’en échappe. Toi qui étudies les humains depuis un temps, tu t’en souviens. Tu te laisses bercer l’espace d’un temps. Tu t’inspires. Mais par-dessus de la musique, des moqueries se font entendre comme émanant de derrière la guitare dessinée. Tu as une idée. Un style différent. Une inspiration. Tu te lances.

 

Rêve second : « Tu n’es pas seule »

Éléments : Guitare, Une chanson, Moqueries

 

    Grande pièce sombre. Une lumière. Tu es en dessous. Elle t’éclaire et en même temps assombrit tout autour de toi. Cône lumineux suivant tes déplacements. Le silence majoritairement présent. Tu tournes, tu vires. Sans savoir où aller. Sans savoir où tu es. Tu as l’impression que cette pièce est sans fin. Quand soudain…

 

    Une note. Puis une autre. Elles se suivent. Tu en cherches l’origine. Tu connais cette mélodie. Elle t’inspire. Tu sens que tes pas se calent sur la partition. Comme si tu marchais dessus. Comme si chaque pas que tu fais sur le sol modifiait le son. Tu crées ta chanson. Elle se forme petit à petit. Instrument après instrument. Le rythme s’intensifie doucement.

 

    Mouvement. Envie de bouger. Musique de fond. Tu ne sais pas ce que tu fais. Ton corps se meut de lui-même. Comme transporter. Tu n’as plus la maîtrise sur ton propre corps. Tes pas s’enchaînent au rythme des notes. Tu oublies le monde qui t’entoure. Tu oublies tout. Tu es libre. Libre d’être toi et de t’exprimer. Seule sous ta lumière.

 

    Ta tenue change au fur et à mesure que tu te détends. De couleurs, tu t’habilles. Des motifs apparaissant et disparaissant timidement. Comme si tes vêtements jouaient avec la musique. Cela te donne envie de faire de même. Te laisser transporter par les notes. Tu fermes alors les yeux, te laissant aller. Lâchant prise, totalement.

 

    Tu danses maintenant de toi-même sans y penser. Tes membres t’appartiennent de nouveau mais tu ne t’en rends pas compte. Tu bouges. Tu profites de cet instant hors du temps. Te demandant seulement quand le rêve s’arrêtera. Tu n’as pas envie qu’il s’arrête. Tu voudrais rester dans cette bulle de bonheur. Encore quelques instants, quelques minutes, juste une seconde.

 

    Toi qui te sentais seule avec ta musique tu ne l’es plus. Elle t’accompagne et te guide. Elle est là. Tu l’imagines près de toi. Comme personnalisé. Tu ne sais pas à quoi elle pourrait ressembler. Tu te dis qu’elle danserait sûrement sans regarder les autres. Juste pour le plaisir. Juste pour profiter de l’instant et d’un moment de complicité. Tu ouvres alors les yeux.

 

    Les notes autour de toi. Tu peux les voir. Elles sont là, présentes, dansant dans les airs. Des rondes et des blanches. Des noires et des croches. Le son augmente comme t’entourant de plus en plus. Comme ces notes qui bougent en rythme. Elles se rassemblent et s’assemblent. Elles s’unissent et tourbillonnent encore et encore. Un flash, elles s’écartent.

 

    Une figure. Une silhouette. Homme ou femme. Tu ne sais pas. Tu ne le devines pas. Tu ne veux pas te poser la question. Appelons-la, Max, prénom mixte. Un M comme musique, ce prénom te plait bien. Il sonne bien. Max portant des habits en accord avec la musique. Guitares se mêlant aux partitions en motif sur sa chemise. Tu lui souris.

 

    La chanson se termine. Une nouvelle reprend le relais. Max tu attrapes alors la main. Tu ne sais pas danser, tu hésites. Son sourire t’empêchant de refuser. Tu acceptes. Tu te dis qu’il n’est jamais trop tard pour apprendre. Alors, tu lui laisses une chanson d’essai. Mais tu ne sais pas guider, tu ne sais pas si Max le sait. Tes questions informulées trouvant rapidement une réponse quand l’individu t’attrape la main et te fait tourner.

 

    Tes chaussures s’illuminent. Tu sembles connaitre les pas de toi-même. Un vague souvenir. Un tour dans un sens puis dans un autre. Un top-là et un nouveau tour. Des bras qui se nouent. Un pas sur le côté. Tes pieds ont attrapé le rythme. Tu n’as plus qu’à profiter. Doucement tu te prends au jeu. Tu enchaînes les passes guidées par la Musique.

 

    Tu te surprends à aimer danser, toi pour qui la danse semblait inatteignable. Deux pieds gauches, un sens approximatif du rythme et te voici dans les bras de Max. Tu es guidée. Tu manques parfois de tomber, de justesse rattrapée. Tu ne veux plus que la musique s’arrête. Tu ne penses plus à tes problèmes seuls l’amusement compte. Tu souris. Tu prends du plaisir. Tu t’éclates. Tu t’es plus seule.

 

    Vous êtes deux. Deux personnes perdues à danser sous les feux des projecteurs sans savoir où vous mèneront cette danse. Mais personne n’y pense. L’important étant l’instant. Savoir si face à toi une femme, ou un homme, le genre importait peu. Pour toi c’était Max tout simplement. Max à la chemise musicale. Tu as l’impression de l’avoir déjà vu. Sûrement un hasard.

 

    Tes réflexions coupées par le son qui diminue petit à petit. Ton sourire fane alors que tu bascules dans un penché. Intérieurement tu te demandes si c’était ta dernière danse tu n’as pas envie de retourner à tes pensées que tu veux simplement oublier en bougeant de nouveau dans les bras de ton meneur.

 

    Reprise rock’n’roll plus rapide que la précédente comme un air de défi. Un sourire malicieux sur les lèvres de Max qui te redresse. Ton sourire suit le mouvement. Un petit tour sur toi-même. Changement de tenue. Une chemise assortie. Tu rigoles alors que la danse reprend.

 

    Tu joues. Vous jouez. Deux enfants jouant sur scène. Tu retiens un nouveau rire lorsque la main de Max loupe la tienne t’obligeant à trouver une petite pirouette pour revenir dans la danse. Tu es surprise par toi-même pas autant que la figure qui tourne à son tour. Tu la guides l’espace d’un refrain. Une drôle de sensation. Mais cela te plait d’échanger les rôles un temps. Tout semble si naturel pour toi. Tu as trouvé ton élément. Un moyen de te détendre de ne penser à rien et juste d’être toi.

 

    De la bonne musique. De la bonne humeur. Pas de jugement. Des sourires. Une petite bulle de bonheur. La chanson arrive bientôt à sa fin. Vous accélérez en rythme. Vous tentez des choses un peu plus acrobatiques. Vous jouez avec l’espace. La scène vous appartient. Jusqu’à la dernière minute. Le dernier refrain.

 

    La lumière change. Plus lumineuse. S’accordant à ton humeur. Tu souris de plus belle. Tu es un peu fatiguée mais tu ne lâches rien. Tu as envie d’aller jusqu’au bout. Tu sais que tu n’arriveras pas à enchainer une autre danse mais tu ne veux pas t’arrêter maintenant. Alors, allons-y jusqu’au bout. Jusqu’à la dernière seconde.

 

    Max semble être d’accord avec toi. Son regard toujours aussi pétillant alors que son corps semble lui dire stop. Mais il reste encore quelques secondes. Vous profitez jusqu’au bout. Tu sens la fin arriver. Tu ne penses pas que vous aurez le temps nécessaire pour le penché final. Et pourtant. La figure avait plus d’un tour dans son chapeau qui venait d’apparaître sur sa tête. Une fin improvisée dans les bras de Max. Un sourire.

 

    Fin de la musique. Lumière éclairant le reste de la pièce. Public debout. Applaudissant. Tu te sens gênée et en même temps fière. Tu peux l’être. Une ovation. Un final magique. Max te met son chapeau après t’avoir reposé sur le sol. Tu fais une petite révérence avant de sauter dans les bras de la silhouette.

 

    Tandis que le rideau se ferme, la musique reprend. Vous êtes fatigués mais une simple danse cela ne peut pas se refuser. Le public put alors vous voir reprendre. Deux personnes à bout de souffle. Corps portés par la musique. Pieds guidés par les notes. Rien ne semble pouvoir les arrêter. Certains les imaginant danser encore et encore même une fois le tissu rouge refermé.

 

Réveil.