A la rencontre de Passion

    Ecrire puis revenir en arrière. Poser des mots pour les retirer. Ne plus savoir comment les former. Perdre peu à peu le lien entre les lettres. Comme si, même si un mot est formé, il n’est pas totalement mot dans son entièreté. Comme s’il perdait son sens et son essence change de chemin. Il n’est plus dans mes mains. Il prend son envol sans penser à demain. Il danse dans les airs sans revenir. Il oublie ses voisins. Il oublie son passé. Il ne se soucie pas de l’avenir. Il ne se lie pas d’amitié. Il se contente de s’évaporer dans l’immensité.

 

    Sans lui, la page redevient blanche. Ce blanc si troublant. Ce blanc qui fait peur. Peur de le gâcher avec des mots aux ailes brisées. Peur de l’abimer avec des lettres qui n’arrivent plus à danser. Peur que l’ensemble s’assemble dans une cacophonie silencieuse. Ils s’expriment. On ne les entend pas toujours. Certains après d’autres paraissent plus ternes. Il manque l’harmonie. Comme si le chef d’orchestre n’était absent. Allons le chercher. Essayons de le retrouver. Il ne devrait pas être loin. Je l’ai croisé il y a quelques mois. Il était là. Le sourire aux lèvres. Il était là à faire valser sa baguette. La passion dans ses yeux n’était pas une surprise et rien que le voir bouger quelque chose en sortait.

 

    Mais la bête noire est arrivée. La bête noire a tout ravagé. Subtile, elle a pointé les fautes notes des instruments. Tranchantes, elle a brisé la baguette. Elle s’est introduite dans le lieu du spectacle. Elle a tout fait s’effacer sur son passage. L’endroit est un lieu vide actuellement. Le morceau de bois fendu au centre de la scène. Les chaises sans propriétaire. La force noire garde le lieu. Premier à entrer se fait envelopper par cette noirceur trop réelle. Elle englobe tout. Elle ne laisse rien au hasard. Elle vise les points faibles. Bête féroce se nourrissant de larmes. Profitant des faiblesses. Elle a fait s’effondrer et se diviser le reste.

 

    Cependant un oiseau est toujours là. Il se balade sur l’épaule d’un enfant. Ils marchent ensemble. Ils voulaient voir le spectacle. Mais depuis plusieurs semaines, le lieu des mots est fermé faute de couleurs assez fortes. Une autre personne attend devant la porte. Un adulte d’un costard vêtu. Il réajuste sa cravate avant de tourner des talons. Les bras ballants. Une main rattrapée par l’enfant. L’oiseau parlant. L’idée venant. Ils ne pouvaient pas rester ainsi à attendre que la bête s’épuise. Il fallait agir. Alors qu’ils cherchaient comment aider, un petit animal jouant du ukulélé essaya de faire une note. Mais la corde céda. L’adulte le prit avec lui et le petit conta une histoire.

 

    Nos quatre amis s’avancèrent dans la forêt. Ils y trouvèrent un homme au costume abimé. Il semblait perdu. Il semblait bouleversé. Le chef d’orchestre passionné avec le regard grisé. L’enfant sorti alors ses feutres et donna des coups de couleurs sur la veste. Mais l’adulte l’arrêta. Retirant la sienne qu’il échangea contre la queue de pie abimée. Puis il laissa place au plus jeune qui s’amusa avec les notes. Il mit de la vie dans les couleurs. Il joua. L’homme fut surpris. Une attention soudaine. On cherchait à le soigner avec des sentiments. L’oiseau partit avec le petit animal musicien laissant les trois bipèdes. L’enfant entrainant l’adulte dans les coloriages. Le chef esquissa un sourire.

 

    Sourire qui s’élargie quand plusieurs animaux arrivèrent sur les lieux. Les instruments étaient abimés. Mais l’adulte entreprit de les réparer laissant l’art à l’enfance. Tout était loin d’être parfait. Des accessoires à rayures. Des tenus raccommodées. Mais de la motivation de nouveau dans les yeux. La passion commençait à remonter mais ce n’était plus à la petite voix, l’enfance et la responsabilité de jouer. Le chef ramassa une brindille en guise de baguette et guida sa troupe vers la scène.

 

    La bête les attendait. Ce ne fut pas à la première tentative qu’ils réussirent à entrer. Ni à la seconde et encore moins à la dixième. Il fallut du temps. Mais le meneur n’abandonnait pas. Au début il se figeait de peur se reprochant de ne pas être à la hauteur. Puis ses démons l’attrapèrent vers les méandres des idées noires. Ce fut alors aux tours des auto-reproches. Suivit du stress de ne plus réussir à orchestrer. Mais le voilà debout. Devant la bête. Il avait compris.

 

    Il ne devait plus lutter. Il devait l’accepter. Accepter cette note étrange sur la partition. Pas d’affrontement lors de cette tentative. Seulement une mélodie. Comme un drapeau blanc. Une douce musique contre les tourments. Une manière d’inviter l’autre dans la danse. Et, à petits pas, le groupe reprend sa place. La bête prend place dans le fond de la scène. Elle reviendra sur le devant un jour. En attendant, Passion a sa place. Il danse de nouveau. Un peu maladroit au début. Cela fait longtemps. Il n’a pas encore totalement reprit confiance. Mais avec le temps cela reviendra. Il sait qu’il pourra compter sur Enfance pour le relancer. Malgré ses allures très droites, Responsabilité l’aidera aussi à sa manière car sans l’orchestre, Stress règne en maitre et Petite Voix ne sait plus ce qu’elle dit. Une chose est sûre c’est que Espoir malgré sa petite taille et son instrument abimé n’est jamais loin pour rappeler qu’il ne faut pas l’oublier.

 

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