Un réveil douloureux

    Tu te réveilles doucement. La douleur. Elle t’irradie. Cou. Épaule. Dos. Pourtant les plaies semblent avoir été soignées. Tu le remarques en voulant toucher ta peau. Un bandage t’en empêchant. Tes yeux ouverts. Tu vois, un plafond à la place de la forêt. Quelque chose de familier. Mais ta tête te brûle. Tu n’arrives pas à réfléchir.

 

    La remise. C’est le nom de lieu que tu cherches sans le trouver. Tu te redresses. Les mains entourant ta tête. Tu cris de douleur. Celle-ci est tellement intense. Tu la sens se propager. Tu la sens au fond de toi. Tu la ressens. Elle ne diminue pas. Elle ne te laisse pas de répit. Elle est violente.

 

    L’espace d’un instant, tu te sens partir. Une voix resonne en toi. « Non-restes réveillée. » Tu luttes pour la suivre. Mais, elle te prend de plus en plus. Tu sens comme une force remonter dans ta tête et dans chacune des cellules qui la composent. Tu fermes les yeux. Tes mains s’agrippent dans tes cheveux.

 

    Puis elle s’étend. Elle vient gagner le bras droit avant le gauche. Ta notion du temps est instable. Cela semble durer à la fois des heures et en même temps c’est tellement rapide. Tu ne sais pas si ton corps tiendra. Tes bras te brûlent. Ta peau te brûle. Tu as comme envie de la retirer. Assise en boule sur le lit de fortune, tu te balances.

 

    L’expansion de la douleur continue. Elle part à la conquête du reste de ton corps. Elle descend sur ton tronc. Tu arraches ton T-shirt avec une force qui ne t’appartient pas. Tu envoies valser les bandages. Tu te retrouves sur le sol. Sans savoir comment. Ta tête tourne. Tu n’as plus vraiment la notion de l’espace.

 

    Bientôt, même les jambes sont touchées par le fléau. Ton pantalon t’est alors insupportable. Tu le retires rapidement. Tu te mets à nue. Et même ainsi, la chaleur en toi ne diminue pas. Elle s’intensifie. Encore et encore. Elle joue avec la douleur. Elle s’associe avec elle. Tu ne sais plus qui précède l’autre. Tout ton corps te brûle. Tu cries encore et encore.

 

    La douleur entre dans ta chair. Elle se propage dans tes muscles. En tous, en même temps. Jusque dans tes os, tu la sens. La douleur résonne dans chaque parcelle de ton être. Tu as envie de lui crier de partir, mais tu n’y arrives plus. Tout ceci est tellement intense que ta voix elle-même s’en est allée.

 

    Tu sens tes os se tordre. Tu les sens craquer. Tu les sens changer. Tu sens chaque changement dans ton corps et ta posture. Tu te courbes. À quatre pattes sur le sol, tu ne contrôles plus rien. Tu n’es maitre de rien. Tes ongles poussent avec douleur et violence. Tes mains et pieds se transforment en même temps que les larmes touchent le sol. Et ton squelette n’est pas le seul touché.

 

    Sur ta peau, tu sens comme de milliers de piqures. Tu sens que quelque chose change. Ta peau te brûle. Elle est comme attaquée de l’intérieur. Comme si quelque chose allait en sortir. Les poils poussent de partout. Chacun est accompagné d’une douleur. Les larmes de douleur remplacent les cris.

 

    Autour, tout est flou. Heureusement dans l’abri, la luminosité est faible. Seule celle de la lune est présente. La fenêtre comme seule source de lumière. Les yeux déjà sensibles à la faible lueur. Tu regardes le sol. Ta vue change. Tes pupilles se dilatent. Tu les sens. Tu sens chaque changement infime de ton être. Tu les sens.

 

    Comme tu sens toutes les odeurs autour de toi. Elles se mélangent. Elles dansent sans aucune harmonie. Elles se bousculent dans ton nez. Elles te font mal à la tête. Tu n’arrives pas à les différencier. Les stimuli sont trop importants, trop nombreux. Tu n’arrives point te concentrer sur un seul. Mais l’odorat et la vue ne sont pas les seuls impactés…

 

    Une cacophonie se fait entendre. Malgré tes mains sur tes oreilles, tu n’arrives pas à faire diminuer le volume. Tout est de plus en plus fort. Tu entends des pas. Tu entends le vent. Tu entends les grincements du bois. Tu entends des sons que tu n’arrives pas à nommer. Cela semble sans aucune logique.

 

    Dans ta tête, tu luttes. Tu ne sais contre quoi. Tu tentes de garder le contrôle. Il est trop tard. Tu appelles ta maman. Seul un son difforme sort de ton gosier. Tu sens la douleur partout en toi. Tu la sens en toutes choses. Tu la ressens entièrement. Elle est tellement forte. Plus forte que toi sur l’instant. Tu t’abandonnes. Tu hurles…

 

    Tu n’es plus. Il est maitre.

 

    Il hurle. Il prend le contrôle. Il est maitre à présent. Il ravage tout. Il veut partir. Liberté. Porte fermée. Il s’énerve. Il détruit tout. Évasion. Porte bloquée. Il use de ses griffes. Il use de sa force. Rien. La porte résiste. Il grogne. Il s’enrage.

 

    Une odeur. Vision rouge.

    Courir. Tourner.

    Attaquer. Louper.

    Sortir. Bloqué.