Un appel dans la forêt

    Tu joues. Tranquillement, tu t’amuses. Maman est dans la maison. Vous n’êtes que toutes les deux avec les animaux. Les autres sont repartis un peu plus tôt. Ton anniversaire s’est merveilleusement passé. Tu as été gâtée. Le sourire ne quitte plus tes lèvres. Tu n’as même plus envie de rentrer. Tu n’as pas envie que la journée se termine.

 

    Et pourtant, le soleil est tombé depuis un moment. Les étoiles brillent dans le ciel. Avec toi, les deux loups. Tu leur lances la balle. Tu ris. Sous la lueur de la pleine lune, tu profites, innocente. À la lumière d’une simple ampoule, tu ne fais pas attention aux dangers. Les loups avec toi, tu sais que tu ne risques rien si tu ne t’éloignes pas.

 

    Maman t’appelle pour rentrer. Tu lui demandes quelques minutes. Elle soupire sans insister. Elle te dit juste que tu dois rentrer dès qu’elle a fini. Parfois, tu te demandes pourquoi maman n’utilise pas beaucoup sa magie. La magie de maman est belle. Mais elle aime aussi se débrouiller sans elle. Un jour tu lui demanderas. En attendant, tu as plus de temps pour jouer et profiter des derniers instants de la journée. Ou plutôt de la soirée.

 

    Les deux loups face à toi sont comme des enfants. Ils s’amusent avec toi. Tu leur rends bien. Ce sont tes amis, ta famille. Ils sont toujours là. Dès que tu sors, Laurel est près de toi. Il est un peu ton ange gardien. Et alors que tu le félicites d’avoir rapporté la balle, la voix de maman. L’heure de rentrer. Les deux loups devant toi…

 

    Soudain, un bruit t’interpelle. Tu t’arrêtes. Tu tends l’oreille. Comme un appel à l’aide. Il retentit de nouveau. Un animal. Tu ne réfléchis pas. Tu te mets à courir vers l’origine du bruit. Maman t’a appris à toujours aider ton prochain. Mais, elle t’a aussi prévenu de ne pas aller seule en forêt. Cependant aujourd’hui, le second conseil tu sembles l’avoir oublié. L’envie d’aider avant tout.

 

    Tu suis les appels. Tu t’enfonces dans la forêt. Tu as un peu peur, mais tu penses à cet animal. Tu le vois allongé. Une trace de griffe sur le dos. Le renardeau semble mal en point. À y regarder de plus près, tu vois que la trace ressemble à celle de serres. Tu ne le sais pas, mais le petit s’est fait attaquer par un grand-duc. Cependant, ce dernier était parti sans son repas sans raison apparente.

 

    Imitant ta maman, tu retires ton gilet pour le mettre sur la blessure du petit. Tu tentes de le rassurer. Tu essayes d’acquérir sa confiance. Tu sais que maman arrivera à le soigner. Avant de le transporter, tu dois t’assurer qu’il n’a pas trop peur. Tu lui caresses doucement la tête. Tu lui murmures de douces paroles.

 

    Sans le savoir, tu es observée. Tapi dans l’ombre, il se délecte de la scène. Il se lèche les babines. Il s’avance sans un bruit. Dans ton dos, une masse sombre se rapproche dangereusement. Elle te renifle. Tandis que tu portes toute ton attention sur le blessé. Elle te dévore du regard. Et toi, tu n’as d’yeux que pour le petit à la plaie ouverte. Elle lève la patte au-dessus de toi avant de l’abattre.

 

    Tu sens qu’on te lacère. Le cou. L’épaule. Le dos. Tu te sens tomber sur le côté gauche. La tête. Le sol. Le choc. Tu te sens partir. La nuit dans tes yeux. Une main tendue vers le petit. Comme pour le protéger malgré tout ce qui se passe. Une douleur au niveau de ton épaule droite. Tu lâches un cri. Un dernier cri avant de sombrer. Le flou partout. Les bruits. Tous les bruits mélangés. Tu ne sais plus ce qui est. Le noir autour de toi.