Chapitre 6 : Étoile

    Deux jours de marche, deux jours qu’elle avançait dans ce désert. Elle avait bien fait de faire des réserves avant de partir. Il n’y avait pas beaucoup de voyageurs dans ce lieu. Il fallait dire qu’une mauvaise réputation le précédait. Désert aux démons ou encore désert démoniaque. Le désert de la légende des anciens maitres. Celui de la brèche il y a maintenant vingt et un ans.

 

    Certains mages venaient par ici pour s’entrainer et améliorer leurs dons. Rien de mieux que le calme de ce lieu sans vie pour apprendre à se maitriser et à manipuler ses aptitudes exceptionnelles sans risquer de ne blesser personne. Il y avait même l’école des élémentaires spécialisés dans l’air et la terre à la lisière de cette région.

 

    De plus, la garde royale patrouillait une fois par mois pour vérifier qu’aucune activité démoniaque ne se manifestait. Mais depuis la fermeture de la brèche, aucun démon ne s’était montré. Même les êtres au sang démoniaques ne se montraient plus. Comme si quelque chose les obligeait à se cacher. Beaucoup de rumeurs circulaient sur leur disparition soudaine. Cependant, aucune n’avait un vrai fondement.

 

    Mathilda restait tout de même sur ses gardes en s’approchant du soi-disant lieu de la brèche. Il y avait un grand bloc de pierre gravé. Il portait les noms de sa mère et sa tante. Ainsi que la devise du monde. Cela arracha une larme à la jeune femme qui se retrouva envelopper qu’un grand sentiment de tristesse. Elle aurait aimé les connaitre. Autrement que par des récits.

 

    Son père lui racontait tous les soirs quand elle était petite des souvenirs qu’il avait de sa mère. Ses faits d’armes, mais aussi des choses que personne ne savait comme son plat préféré ou encore ses petites manies quand elle testait une nouvelle arme ou armure. La manière dont elle insistait pour graver elle-même son prénom sur le métal pour ne pas qu’on lui dérobe.

 

    En y repensant, une nouvelle larme roula sur la joue de Mathilda. Elle aurait voulu la rencontrer, mais il était trop tard. Elle pouvait espérer la revoir en vision ne serait-ce qu’une fois de plus si elle s’autorisait à dormir. Elle puisait dans ses reversés. Elle avait trop peur de ce qu’elle pouvait découvrir si elle se laissait aller.

 

    Et pourtant, elle se laissa guider par l’instinct quand ses pas l’éloignèrent de la pierre. Quand son cœur la poussa à s’enfoncer dans le désert. Ce n’était pas le chemin du palais, mais elle se sentait attirée. Elle ne pouvait pas résister. Et plus elle avançait plus le monde semblait tourner autour d’elle. Et plus le ciel s’assombrissait plus son corps semblait la lâcher.

 

    Elle voyait une épée par flash. Elle l’appelait. Elle remarqua sa mère qui la tenait. Elle murmurait quelque chose. Mathilda se mit alors à courir comme pour attraper ce mirage. Mais elle se prit les pieds dans une bosse de sable et tomba. Elle ne se releva pas. Le sommeil l’emporta. Et le mirage continua dans ses songes.

 

    « Ma fille trouve mon épée. Trouve-moi. »

 

    Elle entendait la voix de sa mère. Elle la voyait apeurée. Elle qui n’avait peur de rien avait peur de quelque chose. Mathilda ne comprenait pas. Elle n’avait aucune idée de ce qui se passait sous ses yeux. Elle savait juste que sa mère se tenait là et qu’elle ne pouvait pas faire un seul pas pour la rejoindre. Elle était figée. Incapable de bouger.

 

    Sous ses yeux la scène prit d’un coup une tout autre tournure. Sa mère s’effaça doucement. Elle commençait à disparaître. Comme emportée par quelque chose. Elle semblait tenter de résister, mais cela continuait. Elle s’évaporait sous les yeux de sa fille.

 

    « Libère-nous. On nous a piégés. Ta cousine… »

 

    Elle n’eut le temps de ne rien dire de plus. Elle avait disparu. Et Mathilda se réveilla en sursaut. Elle était perdue. Sa mère était peut être encore en vie. Mais que devait-elle faire ? Elle n’avait pas eu le temps d’entendre la fin de ce qu’elle avait à lui dire. Sa cousine ? Sa fameuse cousine qui avait disparu du jour au lendemain il y a deux ans peu après son vingt et unième anniversaire. Il y avait-il un lien entre l’âge et cette marque ?

 

    « Tu te poses trop de questions. Abandonne cette quête impossible. Une malédiction t’attend si tu décides de la suivre. Tu t’éloignes du chemin des chevaliers. »

 

    Une voix. Elle se lève. Autour d’elle. Personne. Elle lève les yeux vers le ciel. Seules les étoiles l’observent. Elle est pourtant sûre de ne pas avoir rêvé cette fois-ci. Pourquoi cette voix voulait-elle l’empêcher de voir sa mère et de l’aider ? Ce n’était un devoir de chevalier que de sauver les gens ?

 

    « Tu as raison, mais il y a des quêtes plus douloureuses que d’autres. Ne t’éloigne pas du chemin. »

 

    Elle avait déjà entendu ce genre de choses. La même voix que dans l’histoire de la doyenne. Elle n’arrivait pas vraiment à le croire elle était un peu sonnée et déboussolée. Une voix qui sort de nulle part. Il y avait forcément une explication rationnelle. Il lui fallait une explication rationnelle, mais elle y pensera plus tard. Elle devait rejoindre le palais. Elle venait d’avoir de nouvelles informations.