Septième Temps

    Chère toi,

 

    Il y a peu je suis tombée sur une boite. Tu sais ce genre de boite dans laquelle, tu as sûrement gardé pleins de souvenirs. Des photos. Des mots. Des dessins. J’y ai retrouvé un mot ou plutôt une lettre. Une lettre d’amour plus exactement écrite durant l’année de CP.

 

    Tu te rappelles de ce moment où tu commences à écrire. Où tu découvres que tu peux mettre par écrit ce que tu ressens, ce que tu vis. Tu as l’opportunité de l’exprimer librement sans jugement. Écriture à la calligraphie hésitante et aux fautes d’orthographe dominantes.

 

    Sur ce mot, ce morceau de cahier, quelques lettres. Une déclaration. Tu te demanderas peut-être pourquoi je l’ai encore. Pourquoi ce papier n’est point dans les affaires de la personne concernée ? Tu remarqueras alors un changement d’écriture et de stylo, tu te dis qu’une personne a répondu sur le même papier. Une réponse dure. Un « moi non ». J’ai mal au cœur pour la petite fille de sept ans. Une grande déception. De la nostalgie.

 

    En fouillant un peu plus. J’en trouve une autre. Datant du collège. Mais celle-là j’en suis sûre. Elle n’a point quitté cette boite. La peur au ventre, je n’avais pas pris le risque. Risque d’avoir mal. Petite fille sensible, timide. Déjà mise de côté, je restais à rêver en secret.

 

    Dans un coin de la boite, une feuille de brouillon. Souvenir d’un devoir d’un côté, lettre à cœur ouverte de l’autre. Un texte. Un nouveau. Une nouvelle période. Le lycée d’après les noms évoqués. Encore une déclaration. Je ne me rappelais plus avoir beaucoup écrit durant ces années-là.

 

    Moment encore renfermé. Coincée de mon plein gré dans ma bulle. Masque porté. Cachant la sensibilité. Mur dressé contre l’extérieur. Une protection. Les textes seuls témoins de l’envers du décor. Peur que quelqu’un ne les lise. Sûrement la raison de leur non-présence. La page retrouvée n’étant rien qu’autre qu’une révélation sans masque. Je l’avais certainement gardé pour la beauté du texte et la description de sentiments sincères.

 

    Par curiosité, la boite fermée. J’ai décidé de ressortir les textes écrits sur le sujet. Ceux cachés dans mon téléphone. Mémos non supprimés. Et alors que je les parcours. Un pincement au cœur. Devant mes yeux, sept textes. Sept temps d’une année qui ressortent. Coup de foudre amenant à une croisière suivie de la première tempête entraînant le naufrage, la dérive et enfin la terre ferme avec devant un nouveau chemin.

 

    Laisse-moi te détailler cela un peu plus. Enfin si tu le veux bien. Le premier, histoire d’un coup de foudre. Personne surévaluée. Un filtre sur les pensées. Le début du chemin et de la ballade. Le second dans la même veine. Même vocabulaire. La promenade continue.

 

    La ballade s’enchaîne, mais des brouillards dans le troisième pointent le bout de leur nez. Un texte d’excuses remplaçant les lettres d’amour. Cœur à vif. Sensibilité touchée de plein fouet. Masque dominant dans le texte suivant. Les sentiments de côté. « C’était ce qu’il fallait faire ». Voilà ce que je me répétais.

 

    Cinquième auprès d’amis, je l’avais partagé. Peu avaient compris la métaphore. Mais de mon côté écrire m’avait permis de me libérer. Cela faisait du bien de poser des mots sur ses sentiments lorsque ceux-ci se font trop importants. Le retour calme dans le mémo de quelques semaines le cadet. Copie d’un message envoyé à une proche. Texte gardé pour la beauté et la sensibilité dégagées. Une période douce. Sans stress. Sans tensions. Les vacances.

 

    Cependant se cachant derrière cette mer d’apparence tranquille, de nouveau les sentiments grandissent. S’emballent et entament le septième temps. Le temps actuel de la danse. Une personne hantant les pensées de nouveau. Sans l’avoir demandé. Sans que je sache pourquoi. Elle a pris place.

 

    Découverte pas à pas des sentiments à travers les discutions et textes échangés. Attachement accompagné d’une crainte. Une réserve maintenant le mur en son rôle protecteur. La peur du renouvellement. Peur d’avoir le même retour que l’enfant ou la même expérience que lors du quatrième temps.

 

    En lisant cela, je remarque que le dernier mémo ne semble point terminé. Alors la petite fille de sept ans reprend la plume pour compléter ce septième temps. Pour étaler ce qu’elle ressent en espérant que ce virage soit le premier d’une nouvelle danse peut-être plus longue que la précédente.

 

    Un « je t’aime » glissé entre les lignes. Aucun nom mentionné. Personne se reconnaissant sûrement ou probablement pas. Texte débouchant sur une lettre qui n’est autre qu’une nouvelle déclaration cachée. Tu sais, même si cela ressemble à une histoire, au travers de certains mots un message tente d’être délivré.

 

    Difficile de se dévoiler de manière explicite. Et même si les paroles n’osent pas franchir les lèvres. Même si les mots ne dépassent pas la frontière de la pensée. Même si les gestes se font réservés. Les sentiments eux se font ressentir et dans les yeux s’expriment sans permission.

 

    Cette lettre fut plus longue que prévu. Mais comme tu le sais, quand on écrit avec le cœur, quand on a envie de dire des choses alors on ne peut plus s’arrêter et les lettres s’impriment d’elles-mêmes. J’espère ne pas t’avoir ennuyée en te racontant ma vie passée et présente. Dans cette lettre que toi seule pourras définir.

 

 

Tu sais qui je suis