La douleur d’une mère

    (Point de vue de Max, la mère)

 

    La journée d’anniversaire terminée, je commençais à ranger la maison. Les emballages de cadeaux trainaient sur le sol. Les assiettes étaient toujours sur la table. Le reflet avait voulu lancer un sort pour tout nettoyer, mais j’avais refusé vivement. Tout ne doit pas être fait avec de la magie. Il ne fallait pas dépendre d’elle.

 

    Je souriais en repensant à cette journée. Ce fut riche en émotions. MacKayla venait d’avoir six ans. Six ans déjà. Comme le temps passait vite. Je me rappelais de la naissance comme si c’était hier. J’étais encore émue. Bientôt, elle allait partir de la maison pour ses études. J’avais un peu peur. C’était mon enfant. Je devais la protéger.

 

    En parlant de la protéger, il commençait à se faire tard. J’allais passer une tête par la porte d’entrée. Elle jouait avec les deux louveteaux devenus grands. Ils s’entendaient tellement bien tous les trois. Et puis, ils étaient toujours là pour elle. Surtout Laurel qui la suivait partout. Cela était vraiment mignon. Et rassurant aussi pour mon cœur de maman.

 

    Lorsque je lui demandais de rentrer, elle demanda du temps supplémentaire. Je ne pouvais pas lui refuser. Elle avait des yeux auxquels je ne pouvais difficilement résister. Je lui laissai alors quelques minutes. Le temps de finir le rangement. Je rentrais en souriant.

 

    Je m’activais pour finir de tout ranger. Il ne restait pas grand-chose. Je criais un peu fort que j’avais fini. Les loups passèrent rapidement la tête par la porte. Ils entrèrent. Je m’attendais à voir ma fille les suivre. Mais, personne. Mon cœur loupa un battement.

 

    J’allai dehors. Personne. Je l’appelais. Rien.

 

    – Laurel, Hardi, vite, retrouvons là !

 

    Les deux loups sortirent en trombe de la maison en fonçant dans la forêt. Ils étaient suivis de Rouky et Rox. Berger allemand et chat, prêts, eux aussi, à partir à la recherche de l’enfant. Tous ensemble, nous la retrouverons, même si je devais y laisser ma peau. Je courrais derrière le chat. Une transformation en écureuil serait risquée.

 

    J’entendis un cri. Puis un hurlement. Mon sang ne fit qu’un tour. Je ne réfléchissais plus. Je ne me contrôlais plus. Ce cri venait de mon enfant. Je devais la retrouver. Je fonçais vers l’origine. Jusqu’à en perdre haleine. Jusqu’à en perdre mon souffle. Elle comptait plus que tout à mes yeux. Je ne pouvais pas l’abandonner.

 

    Je slalomais entre les arbres. Je vis comme une bataille devant moi. Mais je n’y fis pas vraiment attention. Mon regard se porta sur le corps au sol. MacKayla. Elle saignait. Sa main posée sur un bébé renard. Mon regard changea. Il se tourna vers le coupable. Celui-ci se battait avec Laurel. Je sortis ma stèle. Le sort fusa. Rapide. Simple. Efficace. La créature fut projetée en arrière. Un autre sort. La voici assommée.

 

    Je dus me retenir pour ne pas en lancer un autre. Mais une pensée revint à l’esprit. MacKayla. J’attrapais la petite fille dans mes bras. Ne me sentant pas de laisser le renardeau, je confie aux animaux la mission de le ramener au chalet. Je courais. Je me repérais à l’instinct connaissant bien la forêt avec les années.

 

    Arrivée devant le chalet, je remarquais que la peau de l’enfant était chaude. Elle suait un peu. Elle semblait torturée dans son sommeil. Non. Ne me dites pas que. Non… Partagée entre la tristesse et la douleur, je devais rester concentrée. Elle perdait beaucoup de sang, mais ses plaies ne semblaient pas trop profondes. Je me dirigeai alors vers le cabanon et non le chalet. Je la déposais sur des couvertures. Un sort de soin sur les plaies. Mais cela ne marcha pas sur l’épaule. Je courus vers la maison.

 

    Placard de l’entrée. Une petite décoction en cas d’extrême urgence. Un simple mélange contre les blessures des êtres de pleine lune. Je l’apporte et l’étale sur la blessure. Celle-ci se résorbe doucement. Cela voulait donc dire que… non Max… Concentre-toi…

 

    Des bandages autour des plaies. La magie médicale n’était vraiment pas mon fort. Quelques runes pour vider l’abri au maximum au plus vite. Puis se retirer. Fermer la porte. La sceller. S’assoir. Pleurer. Les nerfs lâchaient. Je n’étais plus capable de garder le masque. J’espérais qu’elle s’en sorte. Je ne pouvais rien faire pour elle. Je ne pouvais rien faire pour l’aider. Je ne pouvais même pas entrer pour être là. Je devais être là pour la suite.

 

    J’espérais sincèrement que les livres se trompent et qu’elle survive. J’espérais que tout ceci ne soit qu’un rêve. J’espérais assise contre la cabane de bois. J’allais peut-être perdre ma petite fille ce soir. Je n’avais pas su la protéger. Je n’avais pas su être là. J’aurais dû…

 

    Un cri me sortit de mes pensées. Je devais me retenir de regarder. Un nouveau cri. Puis un autre. Puis le silence. Un grognement. Des hurlements. Des bruits. Contre la porte. Contre les murs. La peur me prit au fond de moi. Un nouveau sort sur la cabane pour l’aider à résister. Avant de rentrer.

 

    Le renardeau avait lui aussi besoin de moi. Et assise devant la cabane à attendre je n’étais pas des plus utiles. Je soignais le petit que l’un mes loups avait déposé sur un coussin dans le salon. Il allait s’en sortir avec une belle cicatrice, mais le petit était un battant. Comme MacKayla. L’espoir était là.

 

    Je ne dormis pas de la nuit. J’attendais que les bruits dans la cabane cessent. J’attendais pour pouvoir rentrer. J’attendais les premiers rayons du soleil. J’attendais la disparition de la lune. J’attendais que ma petite fille revienne.

 

    Soudain, plus un son ne sortit de la cabane. Plus rien. Plus un mouvement. Je m’approchais discrètement de la fenêtre pour vouloir le petit corps allongé sur le sol… nu. Je m’empressais de baisser les protections pour envelopper ma fille dans mon pull. Je la raccompagnais à l’intérieur. Je la déposais dans son lit. Je lui enfilais des vêtements amples. Puis je fis de nouveau ses bandages au niveau du cou, épaule et dos. La marque de griffure était bien profonde. Elle risquerait de rester plusieurs années.

 

    Je fis des allers-retours pour aller lui chercher un linge. Essuyant son front. Lui nettoyant le visage. Les animaux venaient eux aussi. Ils étaient inquiets tout comme moi. Je priais pour que MacKayla se réveille. Pour qu’elle ouvre un œil. Qu’elle fasse un mouvement. Un signe de vie supplémentaire à la respiration faible.

 

    Elle finit par se réveiller trois jours plus tard. Je n’avais presque pas dormi. Le reflet, mon frère était arrivé la veille pour m’aider et prendre le relais. Mais sachant ma fille mal en point, je ne trouvais pas le sommeil. Et elle s’était réveillée. Doucement, douloureusement, avec une tentative de sourire, mais elle était là. En vie. Je promis alors de tout faire pour l’aider…