Un lutin discret

    Il était une fois, dans un petit village un peu perdu, un lutin. Vous vous demanderez peut-être que fait un lutin par ici. Je vous répondrais alors que le village dans lequel se déroule notre histoire n’est pas un village ordinaire. En effet, ce dernier est assez reculé, loin des grandes villes, loin des intrus, loin des curieux. Seuls les habitants le connaissent. Ils sont les seuls à savoir comment s’y rendre, quel est le passage secret permettant d’accéder à ce petit coin isolé autour d’un océan de blanc. La neige tout autour du groupement de maisonnettes. Des sapins. Du blanc et du vert à perte de vue. Vous imaginez le village des contes d’antan ? Celui où habite un homme vêtu de rouge à la longue barbe blanche ? En imaginant ce village, vous vous rapprocherez de la réalité. C’est dans ce lieu que notre histoire prend place.

 

    Un jour, un petit lutin, un peu plus petit que les autres. Un lutin discret, au bonnet tombant sur le côté, qui ne parle pas beaucoup. Il est curieux, mais timide à la fois. Petit cœur jaune brodé sur le gilet en guise d’écusson. Il fait partie des lutins qui distribuent les sourires. Cependant, il ne se sent pas très à sa place sur le devant de la scène. Il préfère être en retrait. Agir dans son petit coin. Alors quand son équipe de lutin intervient, il est le seul que l’on ne voit pas. Il dépose des petites fioles de couleurs puis il repart. Comme s’il ne voulait pas que l’on sache que c’est de lui. Il aime apporter une petite touche de douceur aux humains. Mais depuis quelque temps une autre idée lui trotte en tête. 

 

    Il se demande pourquoi l’on cherche à apporter des sourires aux humains, mais pas au centre du village. Pourquoi certains lutins sont tristes ou en colères ? Pourquoi l’on ne leur apporterait pas à eux aussi une petite touche de douceur ? Il réfléchit plusieurs jours à comment faire. Il observe les autres lutins au travail. Il cherche sans un mot qui pourrait l’aider. Mais il a peur. Sans trop savoir pourquoi. Peut-être peur qu’on le trouve un peu bizarre. Puis la période des fêtes arrive. Il décide donc de se jeter à l’eau. Il se mêle aux lutins de l’atelier pour y récupérer du matériel. Il se dissimule parmi les poètes pour piquer quelques papiers à lettres. Il enfile de nouvelles couleurs pour aller voir les artificiers et leur dérober des pigments.

 

    Tout son matériel récupéré, il commence la construction d’une boite aux lettres avec un système de fermeture un peu spécial. Seul lui pourra l’ouvrir. Il ne voudrait pas que les lettres se perdent. Il décore alors avec les couleurs la boite en bois, avant d’y déposer sa plume. « Boite à douceur » il sourit. Il aime bien cette idée. Mais au moment de sortir au milieu de la nuit pour installer son objet près de la grande place, la peur revient. Est-ce que cela est finalement une bonne idée ?

 

    Assis sur le seuil de sa maisonnette, boite à ses côtés, il se questionne. Mais un lutin de la fête passe à ce moment-là. L’interrogeant sur sa création. Notre héros lui raconte alors son idée des petites étoiles dans les yeux. Le festif lui demande alors un morceau de papier. Sans trop comprendre, le petit lui tend avec une plume. Le plus âgé sourit puis en prenant appui sur la construction, il se met à déposer quelques mots sur le papier avant de le plier et le glisser dans la boite. Une main qui ébouriffe les cheveux non couverts par le bonnet, il est reparti. Cela fut suffisant pour que la peur du petit reparte. Il part alors installer la boite, avant de retourner se coucher.

 

    Lecteur curieux que vous êtes, vous vous demandez peut-être ce qui s’est passé au matin. Laissez-moi vous le conter. Notre petit lutin n’a pas pu s’empêcher après son travail d’aller voir sa boite à douceur. Il est un peu nerveux quand il tourne dans la rue direction la grande place. Il s’inquiète quand il voit plusieurs personnes rassemblées. Son cœur se met à battre un peu vite quand il remarque qu’elles sont l’emplacement de sa création. Il accélère alors le pas. Sans écouter la conversation, il se faufile pour vérifier l’état de l’objet en bois. Mais il s’arrête surpris lorsque ses yeux se posèrent sur les lettres qui débordent. Une main sur son épaule le réveille. Le lutin de la nuit dernière lui confie qu’il en a parlé au travail et que la nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre.

 

    Le petit sourit, il se demande pourquoi il n’a pas fait une boite plus grande. Alors il commence à la vider quand une personne l’interpelle. Un lutin poète tient en ses mains plusieurs lettres liées avec un fin ruban. Toutes adressées à une même personne. Un lutin qui n’est pas sorti de chez lui aujourd’hui. Il sera donc le premier à recevoir ses lettres. Le héros récupère le petit tas et file chez lui y déposer les lettres à trier. Il s’en occupera après.

 

    Il enfile son plus beau bonnet, même s’il est un peu grand, qu’il tombe aussi sur le côté, mais il ne peut pas y aller avec un vieux bonnet à clochettes. Il faut être discret pour que la surprise ne soit que plus belle. Un pompon fera bien l’affaire. Il ajuste son gilet. Rédige à son tour une petite lettre et glisse le tout dans un faux livre. Il emballe le cadeau et ressort.

 

    Il marche dans les rues un sourire aux lettres, mais un peu anxieux aussi. Et si cela ne lui plaisait pas ? Il chantonne un chant de Noël pour se rassurer. Il s’approche de la maisonnette du destinataire et toque doucement à la porte. On lui ouvre. Sans un mot, il tend le paquet, le rouge aux joues, le regard fuyant. Il entend les déchirements du papier. Puis la surprise du lutin face à lui. Quelques pages se tournent, les lettres maintenant découvertes, il tourne des talons. En continuant sa chanson. Il s’éloigne. Sourire aux lèvres. Il reste encore des lettres à trier. Mais ce soir-là, il ne fait rien de plus que chanter.  

 

    Pendant ce temps-là, le lutin ouvre une à une les lettres. Il en découvre les mots. Lecteur vous êtes un peu curieux, non ? Mais peut-être que ces lettres vous sont destinées après tout. N’êtes-vous pas ce lutin en question ? L’auteur de ses mots n’a pas de bonnet à pompon, mais il n’est pas bien grand. Il vous dépose par ici ces quelques mots en vous souhaitant de joyeuses fêtes…